Traquer et punir : la finance contre les peuples

avec Benjamin LEMOINE
publiée le
Vous devez être abonné
pour voir cette émission
animée par Tarik BOUAFIA

Imaginez la scène : des passagers sont tranquillement assis à leur place, prêt à décoller, lorsqu’on leur annonce que le voyage est finalement annulé. Leur avion est cloué au sol après que le carburant ait tout bonnement été saisi. La raison ? Un litige opposant un Etat souverain propriétaire de la compagnie nationale et des financiers qui réclament le recouvrement de leurs créances. La scène, à peine croyable, constitue l’un des nombreux faits d’armes de ces « harceleurs d’Etat » dont le métier consiste à traquer et à saisir les biens, les comptes bancaires, les actifs en tous genres des Etats. Brandissant l’arme du droit et le respect des contrats, ces hommes et ces femmes sont les exécutants zélés d’un capitalisme financier bien décidés à humilier les gouvernements récalcitrants.

Dans son ouvrage Chasseurs d’Etats. Les fonds vautours et la loi de New-York à la poursuite de la souveraineté (La Découverte, 2024) le sociologue Benjamin Lemoine nous plonge dans l’histoire passionnante des fonds spéculatifs, les hedge funds, dont la puissance et l’influence n’ont cessé de croitre au fil des décennies, pour finir par coloniser l’appareil d’Etat.

Cette histoire commence au début des années 1950 et voit l’émergence d’une finance procédurière qui fait du district sud de New-York un véritable Etat dans l’Etat. Au cœur du capitalisme mondial, des cabinets d’avocats et de conseil et des tribunaux fleurissent pour mettre en place de nouvelles normes visant à limiter drastiquement l’immunité souveraine des pays. Dans un contexte marqué par les luttes de libération nationales et l’exigence par les nations décolonisées de faire émerger un nouvel ordre économique mondial, les Etats-Unis s’appuient sur un impérialisme juridique censé punir les Etats qui oseraient s’en prendre aux intérêts de Washington.

Au fil du temps, le champ d’action des chasseurs d’Etats s’élargit. L’Argentine, passée du statut « d’enfant chéri » de la mondialisation néolibérale dans les années 1990 à « mauvais élève » sous les mandats des époux Kirchner en fait brutalement les frais. Immobilisation d’une frégate, saisie de fonds destinés à la sécurité sociale et aux retraites, blocage des comptes bancaires de ses ambassades… Tenant tête à des fonds vautours d’une rapacité et d’un cynisme sans égal, Buenos Aires devient un exemple remarquable de résistance et de dignité.

En refermant ce livre, un constat s’impose : nous faisons face à un système radicalisé. Dès lors, la tiédeur et la modération ne sont pas une option, à moins de consentir à se faire écraser. Seul un véritable rapport de force, qui assume la conflictualité, parviendra à désarmer nos ennemis.

Tarik BOUAFIA

Pour prolonger :

Durée 84 min.

Une réponse à “Traquer et punir : la finance contre les peuples”

  1. titou

    Problème très ancien : la finance a depuis toujours dirigé le monde des humains. Celle-ci affine ses positions pour augmenter ses profits au fil du temps . Sans contrôle de la monnaie et du secteur bancaire les états sont condamnées à subir et les populations à souffrir.

Laisser un commentaire

Fermer X